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Bouisy, une ancienne ferme typiquement briarde

Située à un kilomètre du village de Blandy, proche du ruisseau du même nom, Bouisy est une belle ferme à cour centrale et pigeonnier sur le portail d’entrée. Elle constitue une représentation parfaite de la ferme briarde.

Au 17ème siècle, « fief de Bouisy territoire de Blandy »

Ce fief relevait de la censive de la maladrerie Saint-Lazare-lez-Melun au début du 17ème siècle, comme l’atteste une déclaration au terrier. Une autre déclaration au terrier du fief de Bouisy, portée à la fin du même siècle, mentionne que suivant lettre patente de janvier 1699 le fief appartient désormais à l’Hôtel Dieu Saint Jacques de Melun par suite de l’union de la Maladrerie Saint-Lazare audit Hôtel Dieu.

En 1707, la terre de Blandy est vendue au Maréchal de VILLARS unissant ainsi Blandy à Vaux.

Au tournant du 17 et 18ème siècle, Anthoine ROGER est laboureur à Bouisy. Il est le frère de Maurice ROGER, le second époux de Louise GIRARDIÈRE propriétaire, entre autres, de la ferme de la Corne dans le village. Quelques familles se répartissent ainsi dans les différentes fermes de Blandy !

 Maurice AUXERRE père (1699-1765) est laboureur à Bouisy en 1757, comme nous l’apprend un acte de bail à loyer passé devant Gérard BLONDEAU, notaire à Blandy, entre lui et Laurent Lapinte DUMESNIL, le curé de Courtry. Il reçoit pour la moisson de la Saint Jean l’aide de Jean CHASSENOT, jardinier à la ferme du château de Courtry. La proximité avec Blandy a souvent favorisé les interactions entre les fermes des deux villages.

Très mal entretenus, les bâtiments de l’ancienne maladrerie à côté de la ferme ne sont plus que ruines (masures) au milieu du 18ème.

Bouisy et les « masures » de Saint-Lazare au Terrier de 1745 (AD-77)

Bouisy change de mains en 1783 et sera longtemps géré par la même famille Riché, puis Riché-Houdouin

Le 25 octobre 1783, Bouisy est vendu au Duc de PRASLIN moyennant la somme de 2000 livres.

Pierre RICHĖ (1719-1800) et Marie Anne DUGUET (1723-1806) son épouse ont été adjudicataires sur la licitation forcée* de la ferme de Bouisy suivant une sentence rendue au Baillage de Praslin le 25 juin 1783. Bouisy dépendait alors de la succession de Thomas PERRONNEAU, cultivateur, et Marie Jeanne DUBOIS son épouse.

* La licitation forcée est le partage rendu obligatoire par les créanciers des propriétaires en indivision. Ici les héritiers du couple cité.

Pierre RICHĖ, de Chatillon puis Courtry, donne le bail à loyer pour Bouisy à Jean François DUPONT moyennant 1216 livres, le 5 décembre 1787 ; bail qui sera renouvelé le 24 novembre 1790 au même et pour la même somme. Il donne ensuite le bail à son fils Antoine RICHĖ (de Chatillon) en âge de s’établir, toujours pour 1216 livres.

Nous apprenons par les archives municipales du 17 brumaire de l’An 3 (7 novembre 1794) qu’Antoine RICHÉ (RICHER) fait la déclaration d’un cheval de labour, mort suite à une maladie qui n’a pu être soignée. Les épidémies couraient les fermes ! Il déplore la perte considérable pour cet animal estimé à 1200 livres. Cela est une bonne indication de la cherté et rareté de ces animaux dans les fermes de l’époque.

Autre déclaration faite au juge de paix du canton en 1796, fait divers de l’époque, il signale la découverte macabre d’un nouveau-né noyé dans une mare près de Bouisy. L’enfant inconnu sera enterré sans plus d’investigation.

Antoine RICHÉ décèdera à 32 ans en 1799. Plusieurs décès interviennent dans la famille de Pierre RICHĖ dans les années charnières des 18ème et 19ème siècles. Ceux de ses fils, jeunes hommes, Pierre (1750-1796), puis Antoine (1767-1799), et de son gendre Jacques François HOUDOUIN (1745-1786), époux de sa fille Marie Anne RICHĖ (1754 -1826).

Quand Pierre RICHĖ décède lui aussi, en janvier 1800 à 81 ans, sa veuve Marie Anne DUGUET donne bail à loyer la ferme de Bouisy le 18 décembre qui suit, à Charles Louis François HOUDOUIN (1777-1825), son petit-fils. Il est le fils de sa fille Marie Anne RICHĖ et de Jacques François HOUDOUIN, mariés en 1774 à Chatillon.

Près de vingt ans plus tard, le 20 avril 1818, le même Charles Louis François HOUDOUIN achète aux héritiers RICHĖ, un tiers des bâtiments de Bouisy et 24 hectares 93 ares 44 centiares des terres, moyennant 24 000 francs.

Marie Anne Rose LEFRANC (1772-1848), veuve de Charles Louis François HOUDOUIN avec ses deux filles Charlotte Céleste épouse de Charles Fortuné PLĖ et Marguerite Eugénie, épouse de Maurice BLAQUE, vendront Bouisy le 25 octobre 1830, par acte passé devant le notaire GARCET à Blandy, moyennant 42.100 francs. Marie Anne Rose LEFANC séjournera les années précédant son décès chez l’une ou l’autre de ses filles, en particulier chez Marguerite Eugénie et Maurice BLAQUE, place du Colombier, jusqu’à sa mort en 1848.

L’acquéreur de Bouisy en 1830 est Charles HOUDOUIN fils, cultivateur à Milly-Courtry, maire de cette commune, et son épouse Marie Geneviève DUPRÉ (1785-1855). Charles HOUDOUIN cessera définitivement ses fonctions de maire de Courtry en 1833 pour se consacrer à Bouisy.

Un avocat parisien, nouveau propriétaire en 1853

Légataire universelle de son époux Marie Geneviève DUPRĖ, veuve de Charles HOUDOUIN décédé en 1842, vend Bouisy en janvier 1853 à Charles Marie Edme HAMEL (1823-1916), avocat à la Cour d’Appel de Paris.

Le propriétaire Charles Hamel venait chasser sur ses terres de Bouisy

De HAMEL à DALLEMAGNE

Caroline Marie Adélaïde HAMEL (1849-1932), fille de Charles épousera, en 1874, Charles Joseph DALLEMAGNE, ingénieur des Arts et Manufactures à Paris. Leur fils Paul aura à son tour un fils Jean, toujours propriétaire de Bouisy. Au décès de ce dernier et de son épouse, leur fille Sophie DALLEMAGNE, épouse GUELDRY, deviendra propriétaire.

Caroline HAMEL – Photo Généanet

 

Charles HAMEL Paul DALLEMAGNE, Charles DALLEMAGNE
(Archives Sophie Dallemagne-Gueldry)

Des fermiers reprennent l’exploitation de Bouisy

Durant la période où les HAMEL-DALLEMAGNE sont propriétaires, plusieurs fermiers se succèderont sur plus de cent ans à Bouisy avant que leurs descendants ne s’y installent pour l’exploiter eux-mêmes.

 

Après le décès de Charles HOUDOUIN en 1842, le couple Étienne Denis JUY et son épouse Eugénie HARAN sont fermiers pour quelques années seulement.

Peu avant l’achat par Charles HAMEL, et pour vingt ans suivront Philippe RABIER et son épouse Marie Françoise BRĖGER, déjà âgés mais secondés par leur fils Georges RABIER qui prendra leur succession avec son épouse Ismérie DOUBLET.

 

Puis s’installera à Bouisy la famille CHATRIOT (recensement de 1876), Léon Alexandre (1846-1904) pendant le dernier quart du 19ème siècle, suivi par son fils Édouard qui lui y restera près de cinquante ans. Il décède en 1942 à l’âge de 61 ans. En 1946, Germaine CHATRIOT, née VAJOU la veuve d’Édouard, est toujours recensée à Bouisy avec son fils Jean CHATRIOT ancien prisonnier de guerre.

Fermiers de Bouisy – Édouard CHATRIOT au milieu de ses parents Léon et Nathalie

Pour les dernières décennies du 20ème siècle, Sophie DALLEMAGNE et Antoine GUELDRY son époux s’installent à Bouisy. Antoine, par ailleurs maire de Blandy de 1977 à 1983, exploitera lui-même la ferme jusqu’à son tragique décès accidentel en 1990.

Une belle ferme, objet d’une thèse à la fin du 19ème

Découvrons cette ferme, par un arrêt sur image en 1898, grâce à la thèse de Maurice FOSSE, à l’Institut agricole de Beauvais, soutenue devant « MM les délégués de la Société des Agriculteurs de France ». À l’époque, la ferme s’étend sur une superficie de 70 hectares de terres argilo-siliceuses, plutôt difficiles à travailler par temps de sécheresse ou de forte humidité bien que drainées. Elles manquent de calcaire mais on y a cependant un bon rapport grâce à l’ajout de marne que l’on trouve avantageusement dans le sous-sol du lieu.

Les terres sont situées en majorité autour des bâtiments d’une surface de 27 ares qui comprennent une maison d’habitation, une étable, une écurie, des bergeries, une porcherie, des granges, des hangars et des greniers. Plus deux puits, toujours en eau même par temps de sécheresse, ce qui constitue un avantage appréciable pour un bétail nombreux à cette époque.

Bien entretenue, fonctionnelle et plutôt aisée

La maison d’habitation est sommairement décrite. Elle n’est constituée que d’un rez-de-chaussée avec « un nombre de pièces suffisant et bien aménagées », sur cave, et un grenier au-dessus. Gageons que Léon CHATRIOT, le fermier de l’époque, sa femme et leur fils unique devaient facilement s’en contenter.

La maison d’habitation améliorée. Années 1960

Les « logements » des animaux, très bien construits et équipés, ont la part belle dans la description. L’écurie contient 10 chevaux sans oublier à l’une des extrémités… les lits des charretiers, la vacherie 20 animaux, les deux bergeries comprennent un nombre conséquent de 450 moutons. La porcherie maintient les cochons dans l’obscurité, favorable à l’engraissage, contrairement aux autres animaux qui bénéficient d’un certain confort par la lumière des ouvertures dans les murs et d’une belle hauteur sous plafond !

Les bâtiments des animaux, à droite du portail d’entrée

La grange, à deux grandes portes, où sont emmagasinées les récoltes de céréales forme le côté est des bâtiments, alors que les deux hangars se trouvent à l’extérieur côté ouest. L’un sert à « remiser les voitures et les instruments agricoles », l’autre à y garder une partie des récoltes des céréales et les fourrages « économisant ainsi la fabrication des meules toujours très onéreuse ».

Celles que les frères Delahogue ont pu peindre quelques années plus tard ne se trouvaient assurément pas à Bouisy, nous le savons !

La grange à deux portes en 1965

Comme on le voit l’organisation de cette ferme était plutôt bien pensée.

Dans la cour près de la grange se trouvait « un manège fixe à trois chevaux faisant mouvoir une batteuse système Albaret » qui pouvait s’adapter en un coupe-racines pour les betteraves destinées aux animaux.

 

Autre amélioration apportée à Bouisy par les débuts de la mécanisation de ce siècle, la fosse à purin au centre de la fumière qui se trouve opportunément près des écuries et vacherie, est munie d’une pompe Fauler pour arroser « ce précieux engrais » par temps sec.

Notre thésard de 1898 déplore toutefois qu’un muret n’enserre pas ce généreux tas de fumier pour éviter que les eaux pluviales n’en gâtent la valeur.

A n’en pas douter, le fermier Léon Alexandre CHATRIOT et son épouse Nathalie CREPEAU auront reçu le message.

En 1898, nous voyons que la superficie des terres de cette ferme prospère a bien augmenté depuis sa vente le 25 octobre 1830 par Marie Anne Rose LEFRANC. (Vente de 1830 pour bâtiments et 34 hectares 16 ares 88 centiares de terres, prés et bois. Y ajouter la partie déjà achetée en 1818 : un tiers des bâtiments et 24 hectares. 93 ares et 44 centiares.)

 

Léon Alexandre CHATRIOT, fermier, est arrivé à la trentaine à Bouisy vers 1876 où il y est recensé.

Il a su profiter des avantages que lui apportait la proximité de la ville de Melun pour vendre ses produits sur le marché du samedi, ses viandes aux bouchers locaux ou à La Villette, et les céréales à la minoterie de Corbeil. Le lait est vendu au détail à Melun et même livré à domicile pour un prix majoré et avantageux.

Quant à la main d’œuvre, elle est constituée de journaliers qui sont des hommes du pays payés 2 francs75 à 3 francs la journée, non nourris. Pour les travaux fixes, payés à l’année, le premier charretier est payé 600 francs., le deuxième charretier 525 francs, le berger et le vacher 600 francs, l’homme de cour 425 francs.

Des bâtiments dont l’intérêt patrimonial est reconnu…plus tard

L’inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France, effectué par le Ministère des Affaires culturelles en 1974 relève à Bouisy la présence d’une auge en pierre de 1774 servant d’abreuvoir. Celui-là même décrit par Maurice Fosse, situé à un angle de la cour et qui est alimenté par une pompe aspirante remontant l’eau de l’un des deux puits. L’inventaire des points remarquables se poursuit avec le détail de la charpente d’un hangar à l’ouest des bâtiments, le puits en granit du potager, le pigeonnier où subsistent une centaine de cagettes en terre cuite réunis par des plâtres. Et plus généralement les bâtiments de la ferme entière en tant qu’ancien fief et en bon état apparent.

Plan de la propriété de M. HAMEL, dressé en 1881 par SIMÉON, géomètre à Melun – mis à jour en 1911 par A. POUSSIER, géomètre à Blandy.

Aujourd’hui Bouisy n’est plus une ferme ! À la sortie de Blandy, ses bâtiments en imposent toujours autant au milieu du paysage verdoyant ou s’étire le ru de Bouisy autrement appelé Brétignoust et malgré la ligne du TGV, heureusement dissimulée par un haut talus, mais qui a rogné quelques terres à la fin des années soixante-dix.