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La Ferme de la Corne

Vue de la cour depuis l’entrée rue de la Fontaine

Le placement d’un gentilhomme parisien sous Louis XIV

En 1655, cas de figure habituel à l’époque en Brie, la Ferme de la Corne appartient à un gentilhomme parisien, Charles de Bezancourt, seigneur de Vancy.

Il est titulaire d’un office nobiliaire de la Vénerie du Roi concourant donc aux chasses royales, à commencer par celles de Fontainebleau. C’est probablement un titre honorifique vendu pour équilibrer les finances du royaume. De fait, ledit gentilhomme habite à Paris rue des Lyonnais, paroisse de Saint Germain l’Auxerrois à proximité du Louvre.

La ferme rassemble plus de 70 hectares, « tant en terres labourables qu’en prés ». Elle est louée à l’un des principaux laboureurs (fermiers) du village, Denis Marant et son épouse Marguerite Herrisson. Chaque année ledit fermier s’acquitte d’un loyer à remettre à la Saint André , en « boisseaux de bled froment » et aussi six chapons, six fromages, une douzaine de pigeonneaux.

A signaler également l’avance faite par le propriétaire bailleur d’une somme alors cossue de 700 Livres qui sera remboursée en plusieurs versements sur les six années du bail ; c’est la contrepartie des engagements d’entretien et amendement des sols.

L’habitation principale est située sur la rue de la Fontaine, à droite avant la cour. Les bâtiments autour de la cour, eux, sont liés à l’exploitation de la ferme : « maison manable » (pour manouvrier), grange, volière sur la porte de la grange, écuries, bergerie, étable à vaches, un autre corps de logis couvert de chaume, foulerie et jardin.

La maison de la Corne
Le Bail De Bezancourt à Marant de 1655- extrait

Sous Louis XV, l’appréciable héritage d’un « laboureur » du village

Presque un siècle plus tard, en 1740, la Ferme et la Maison de la Corne représentent la succession de Louise GIRARDIÈRE. Elle revient à Antoine VERNY alors laboureur à Courpalay et fils du premier mariage de Louise Girardière avec Pierre Verny.

Les autres parts, à savoir de nombreux champs, vignes et bois, petite maison, grange reviennent à son second mari (1708), Maurice ROGER, laboureur à Blandy, à son fils Maurice ROGER le jeune « fermier de la Basse Cour du château » (de l’autre côté de la rue), à son autre fils Jean ROGER laboureur de la ferme de Mimouche à Sivry et à sa fille Louise Anne épouse de Merry CHERTEMPS.

Antoine Verny reçoit également une maison plus modeste rue de la Fontaine : la ‘’Maison de l’Opéra’’, sans oublier la ‘’Grange du Paulisson’’ rue Courre Soupe.

Une famille, ses alliances, les propriétaires s’y succèdent : Hucherard-Sendrier-Dufour-Tuot

En 1807, le contrat de mariage entre Jean Charles SENDRIER et Élizabeth JOZON (1786-1864), fille de l’agriculteur de la ferme du Château et maire de Blandy, stipule que le futur époux reçoit :

« une somme de trois mille neuf cent soixante-quinze francs, à laquelle ont été estimés entre lui et le Sieur et Dame HUCHERARD, les chevaux, vaches, attirails de labourage, grains de bled et avoines labourés et effets mobiliers, garnissant la petite ferme dite de la Corne à Blandy, terres et héritages y attachés ».

[Jean Charles hérite pour moitié de la communauté ayant existé entre son défunt père Jean SENDRIER (1750-1783) et sa mère Marie Geneviève SAMSON (1751-1829), remariée en 1784 avec Antoine HUCHERARD (1763-1832). Il n’avait que deux ans au décès de son père, par conséquent Antoine Hucherard lui doit les sommes de sa tutelle soit 2200 francs. Ainsi que les gages qui lui sont dus au titre de charretier du couple pendant plusieurs années estimés à 600 francs].

Après le décès de sa mère (1829) et de son beau-père (1832), le recensement de 1836 nous informe que le couple Jean Charles SENDRIER, cultivateur, et Louise Élisabeth JOZON est recensé rue de la Fontaine. Dans la maison voisine qu’elle occupera jusqu’à son décès, Marie Joséphine SENDRIER (1779-1871), la sœur de Jean Charles, veuve de Jean Jacques FROC, décédé en 1828 à Moisenay.

Après leur vie passée à Blandy rue de la Fontaine, Louise Élisabeth JOZON et Jean Charles SENDRIER, n’y termineront pas leurs jours. Près de leur fils Jean Charles (1807-1869), elle décède en 1864 et lui en 1868 en leur domicile de la rue des Tilleuls à Champeaux. La ferme passe de mains en 1850.

Une transmission compliquée

En 1850 la Ferme de La Corne passe de Pierre HUCHERARD, le frère d’Antoine, à Jacques Sébastien DUFOUR.

Après 1856, sa fille Constance Lydie DUFOUR l’occupera avec son époux Pierre Charles TUOT.

Une période quelque peu difficile à interpréter suit la vente de 1850. Les héritages se divisant parfois en sixième, comme pour Jacques Sébastien DUFOUR, le prix de l’adjudication est contesté, ce qui mène à un jugement rendu au tribunal de Grande instance de Melun comme nous l’apprenons dans l’acte de vente par licitation, en 1875, de Pierre Charles TUOT et des autres héritiers TUOT, à Charles TUOT. Cette vente sera suivie en 1884, à la majorité des enfants Tuot mineurs en 1875, par une licitation intégrale.

Charles TUOT s’y installe, après son mariage avec sa seconde épouse Rosalie LEPȂTRE, et ils l’occupent jusqu’au début du 20ème siècle. Charles Tuot décèdera en 1901, à l’âge de 64 ans.

Description de la ferme en 1875

La configuration n’a apparemment pas beaucoup changé depuis !

 « Une maison avec ses aisances et dépendances sise à Blandy sur la rue de la Fontaine et composée de :

  • Un corps de bâtiment comprenant une laiterie, une vacherie, une écurie, chauffoir avec fournil et chambre à coucher, grenier, prenant le tout… entrée sur la cour,
  • Un autre corps de bâtiment comprenant un hangar, une grande grange, poulailler … et petite grange ayant autrefois servi de bergerie, le tout prenant également ses entrées sur la cour,
  • Toit à porcs à l’extrémité ouest de la cour vis-à-vis les bâtiments d’habitation,
  • Grande cour au milieu des bâtiments ci-dessus désignés, laquelle prend son entrée par une porte dont une à un et l’autre à deux battants sur la rue de la Fontaine,
  • D’un grand jardin à l’arrière des bâtiments numéro 2 auquel on arrive par le hangar.

Les bâtiments ci-dessus désignés sont construits en pierres et couverts en tuiles, le tout en mauvais état. »

« Ayant son entrée sur la rue de la Fontaine – porte à un battant »

Situation et voisinage en 1875

« tenant le tout du levant à cause du numéro 1 (ci-dessus) à Monsieur SPITAELS, par le hangar faisant partie de l’article 2, partie de la cour du numéro 4 et  jardin du numéro 5 à la Ruelles aux arpents,

du midi par le même jardin encore à la Ruelle des Arpents,

du couchant encore à cause du jardin à M. DUFOUR et par la petite grange faisant partie du numéro 2, partie de la cour du numéro 4 et toit à porcs du numéro 3 à M. THOMAS

du nord par parties de la dite cour à M. Thomas et par surplus de cette cour à la  laiterie comprise à l’article premier à la rue de La Fontaine »

À une période plus récente – au vingtième siècle

Suit une longue transmission de génération en génération et alliances pendant un siècle et plus de deux décennies d’occupation par Charles TUOT (1837 -1901) et Rosalie LEPȂTRE. Cette ferme sera vendue en 1902 pour 5500 francs par les fils de Charles Tuot et de sa première épouse Hortense BAY à Louis Maximilien GOBINOT et Eugénie BLANCHARD. Ils y restent pendant une dizaine d’années au début du vingtième siècle.

Eugénie Blanchard, veuve en 1915 y demeure quelques années encore avec son second mari Louis GENTIL épousé en 1918 et son fils Maxime GOBINOT qui prendra la relève avec sa femme Marcelle HAPPEY.

A partir de 1930, Marcel MOTTẺ (1900-1980), originaire de Rampillon arrive à Blandy via Le Chatelet-en-Brie avec son épouse Thérèse BRYNAERT. Ils feront fructifier la ferme pour y élever leurs enfants qui tous les trois s’établiront en des fermes différentes à Blandy. Les deux garçons face au Château : Gilbert dans l’ancienne ferme dite de la Croix Blanche et France dans celle de l’ancien presbytère. Quant à Louisette, miss Blandy 1949, elle épousera Jean Métier et « régnera » sur la vente des produits laitiers de la ferme en haut de la Grande rue, dite « prolongée ».

Des nombreuses anciennes fermes de Blandy, il ne reste plus que deux exploitations qui n’ont plus rien d’une ferme traditionnelle. Elles sont gérées par des descendants… de Marcel MOTTẺ.

Peut-être un de ces pots à lait mis à refroidir par la fermière de ‘La Corne’, dans l’eau de la fontaine du lavoir tout proche ? (Foi de descendante !)

Depuis quelques années, de beaux animaux… à cornes sont revenus brouter les prés Gobinot à l’arrière de la ferme de La Corne !

La ferme de la Corne vu depuis la ruelle des Arpents…
… au levant ………… et au midi